Nous discutions il y a peu avec ma moitié et deux amis de l’ostéopathie.
Cette discipline qui se présente comme une médecine douce, alternative ou complémentaire fait partie des plus pratiquées en France. Les nombreuses études qui en ont évalué l’efficacité ne sont pas vraiment probantes ; ainsi, l’ostéopathie ne fait pas partie des pratiques recommandées dans l’EBM1.
De la même façon, certains médicaments utilisés en pratique courante de médecine générale n’ont pas d’effet au-delà du placebo. Certains comme le Spasfon® sont même déconseillés par la revue Prescrire, qui argumente que si un médicament n’a pas de bénéfice lié à sa composition, alors il est nuisible d’exposer un patient à ses effets secondaires, aussi mineurs soient-ils. Dans la balance bénéfice/risque, un bénéfice zéro ne saurait contrebalancer même un risque infime.
Pourtant, de nombreux patients sont soulagés par le Spasfon®, et d’autres se disent délivrés de leurs douleurs après l’ostéopathie. Ceux-ci bénéficient de l’effet placebo.
❓ Médecines complémentaires, traditionnelles, et EBM : quelle différences ?
L’EBM est la médecine conventionnelle, basée sur les preuves. C’est l’approche dominante aujourd’hui en occident, où les études évaluent par la recherche l’efficacité et les risque des traitements avant d’en conseiller l’un ou l’autre. Comme toute méthode scientifique, elle évolue au grès des découvertes. C’est celle qui est rigoureuse et objective. Les médecines complémentaires sont les autres techniques que l’on emploi parfois en complément. Beaucoup (dont moi) n’aiment pas les appeler médecine, car c’est leur donner un crédit qu’elle n’ont pas prouvé mériter. Mais les pires sont les médecine alternatives qui s’emploient à la place de l’EBM et exposent le patient à des effets indésirables mal connus pour une efficacité plus que discutable, tout en l’éloignant des méthodes prouvées efficaces.
L’effet placebo a mauvaise presse. Dans l’imaginaire collectif, on se représente l’effet placebo comme un “faux effet”, un effet qui n’existe pas vraiment, comme une sorte de pensée magique qui soulage celui assez naïf pour se croire guéri. Ou pire encore, qui n’a jamais réellement été malade.
Pourtant il n’en est rien.
L’effet placebo est mesurable. C’est une réponse automatique, corporelle, au simple fait d’être soigné. On l’observe chez les humains de tous âges, et même chez les animaux. Il ne s’agit pas de naïveté ou de gommer des symptômes imaginaires. Le placebo se mesure de façon objective sur la douleur, l’humeur, autant que sur la pression artérielle, la fréquence cardiaque, et même certains paramètres sanguins. Il n’a rien d’imaginaire.
Plus fort encore, il marche même chez les sujets qui disent ne pas croire au placebo, et dans une certaine mesure, même chez ceux qui savent prendre un traitement sans effet chimique.
Mais où est le problème, dans ce cas ! Si un médicament a un effet, peu importe qu’il soit placebo ou chimique ! Pour quoi parle-t-on d’absence d’efficacité, si le placebo a des effets mesurables sur la santé de celui qui le prend ? Pourquoi alors ne pas donner à tout le monde des gélules de sucre au lieu de pilules bizarres, et nous soigner tous à grand coup d’homéopathie2 ?
Et bien parce que l’effet placebo existe aussi dans les “vrais” médicaments.
Quand vous prenez un Doliprane® contre votre migraine, vous bénéficiez du placebo en plus de l’effet chimico-biologique du médicament, et non pas à la place de lui. L’effet final est donc le cumulé des deux.
C’est pour cela que les essais cliniques évaluant un médicament parlent de “supériorité au placebo”. On mesure l’efficacité médicale en plus du placebo, qui sera présent de toute façon.
De la même manière, la kinésithérapie pour les douleurs de dos bénéficiera du même placebo que l’ostéopathie, avec en plus les bénéfices d’une rééducation adaptée au besoin du patient.
Evolution des connaissances Puisqu’elle est basé sur la recherche scientifique, la médecine conventionnelle est en perpetuelle évolution. Des pratiquées jugées efficaces hier ne sont plus employée aujourd’hui car jugées trop dangereuse pour trop peu d’effet. De la même façon, des disciplines ignorée il y a peu font finalement leur preuves et deviennent acceptées. Cette évolution, cette auto-correction permanente n’est pas une limite de la médecine basée sur les preuve, c’est sa plus grande force. Les limites de nos connaissances aujourd’hui repoussées sans cesse. Certains voudraient y voir la preuve que l’EBM est étroite d’esprit en rejetant ce qui n’est pas prouvé, mais c’est au contraire un exercice perpétuelle de remise en question.
En lisant ceci, ceux qui ont grandement bénéficié d’une médecine complémentaire peuvent se sentir blessés. “J’ai vu que ça marchait, que quelque chose se passait” peut-on entendre dire.
Et bien sûr qu’il se passait quelque chose, puisque le placebo fonctionne. Personne ne les accuse de crédulité ni de mensonge. Mais l’effet merveilleux dont ils ont été témoins n’est pas dû à la technique de soin employée, à la pertinence d’un savoir ancestral, boudé par les scientifiques drapés dans leur orgueil. Cet effet guérisseur est dû au simple fait d’être soigné. Une autre technique aurait peut-être été aussi efficace, sinon plus encore.
Il faut tout de même souligner ceci : il semble que l’effet placebo puisse être amplifié de plusieurs façons. Quand le soignant prend le temps d’entrer en échange avec le soigné, de discuter, de le considérer de manière globale, la perception de soin augmente, et l’effet placebo avec.
Voilà une grande partie de pourquoi certains patients se tournent vers les médecines complémentaires : ils y trouvent un soulagement et un accompagnement qui manquent parfois cruellement à notre médecine conventionnelle. Dans un système de santé à bout de souffle, où la course à la rentabilité, la saturation des réseaux de soin et la stigmatisation de certaines maladies mal comprises peuvent rendre impersonnelle la relation soignant-soigné, recevoir le soutien et l’écoute attentive d’un praticien peut être un soulagement inestimable.
La solution dès lors n’est certainement pas de les stigmatiser encore davantage, mais de transformer notre pratique pour offrir le meilleur des deux mondes. Un conseil rigoureux, basé sur les preuves soigneusement établies, et un rapport humain et bienveillant qui inclut l’autre dans sa globalité.
Par ailleurs, il est de notre responsabilité de praticien d’EBM de tenir nos connaissance à jour, et d’évaluer nos pratiques de façon rigoureuse et honnête, à l’abri de l’influence des conflits d’intérêt, et de donner à nos patients l’information loyale et sincère qu’ils méritent.
Pour conclure, cet article de la Revue du Praticien est une ouverture intéressante sur le placebo. Si le sujet vous intéresse, j’en encourage la lecture.
-
EBM, Médecine basée sur les faits : « l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données disponibles pour la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient, […] une pratique d’intégration de chaque expertise clinique aux meilleures données cliniques externes issues de recherches systématiques ». Voir sur Wikipedia ↩︎
-
Non, l’homéopathie n’a aucune efficacité au delà du placebo. Cette thérorie du XVIIIe sciècle a pendant un temps été plus efficace que la médecine pratiquée à l’époque, mais cela en dit plus long sur la qualité de l’hygiène médicale de l’époque, où l’asepsie n’existait pas. Il était alors plus prudent de ne rien faire que de consulter un médecin. Heureusement, les temps ont changé, et l’homéopathie laissée sur le carreau. ↩︎