Le jeune chêne ouvrit les yeux sur le jeune humain, remarquant à peine qu’il n’était pas supposé en avoir. Celui-ci affichait un air grave et commença à lui parler. Bien sûr, le chêne ne pouvait l’entendre. Miraculeusement doté de la vue, il restait sourd, n’ayant pas d’oreilles.
Non que ça le gênait. Il sentait par contre les vibrations de la voix humaine se propager à travers son écorce et dans le sol. Il savoura la sensation, se moquant bien du sens que pouvait avoir ces sons émis par l’apprenti druide.
L’air était sec, et il voyait bien les arbres autour de lui souffrir de la chaleur du soleil de plomb. La forêt entière murmurait pour elle-même les soupirs de détresse des plantes la composant. Dans une infinie patience, elle s’efforçait d’économiser ses forces et mourrait à petit feu en attendant la pluie.
Un instant sembla passer pour le chêne, mais quand il rouvrit les yeux, le soir tombait sur le jeune druide qui continuait de parler, seul dans la clairière.
Que pouvait-il bien faire ? À bien y réfléchir, il devait être la raison pour laquelle le chêne se trouvait soudain douer de ces yeux. Sens bien superflu à son goût. Les arbres n’avaient jamais eu besoin de la vue : ils connaissaient la forêt par les vibrations du sol, le goût de la terre et les odeurs des uns les autres, et ces signaux portaient bien plus loin que ce que cette vue miraculeuse pourrait lui offrir.
Ce que ce petit homme qui gesticulait devant lui, brûlant encens et sacrifiant perdrix, pouvait bien lui vouloir, il n’avait aucun moyen de lui demander et encore moins de lui donner.
Il se rendormit donc en attendant la pluie.