J’ai vu entrer l’autre jour en consultation une mère et sa fille de 13 ans. Elle s’essayèrent toutes deux devant moi.
- “Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?” demandais-je.
- “C’est pour un vaccin” me répond la mère en sortant l’injection anti-HPV.
La mère semblait tendue, et la fille était renfermée sur elle même, regardant ses chaussures. J’ai voulu me montrer encourageant et les féliciter de cette vaccination1, facultative mais pourtant si importante.
- Super ! on va faire ça ensemble. Avez-vous des questions, sur le vaccins ou le virus ?
- Bof, non. Moi, je ne voulais pas lui faire faire, je suis antivax, mais c’est ma fille qui insiste. Ils en parlent, à l’école.
J’étais impressionné. Cette dame prenait donc en compte l’avis de sa fille plus à cœur que celui d’experts ? Elle respectait les convictions de son enfant alors même que cela allait contre les siennes ?
Intérieurement, j’ai certainement dû penser que cette dame ne devait pas être “si antivax que ça”. J’ai voulu l’aider à accepter cette bonne décision en la rassurant sur le vaccin.
Je commençais à parler, en souriant à la mère et sa fille :
- Vous avez bien fait. Vous savez, c’est un vaccin sur lequel on a maintenant beaucoup de recul, utilisé à grande échelle dans de nombreux pays depuis plusieurs années…
J’ai vu bien rapidement que la maman de la patiente se fermait au fil de mes paroles. Bras croisés, tronc en arrière, yeux baissés : elle se retenait manifestement de toute ses forces de ne pas exploser. Sa fille restait impassible, murée dans le silence de celle qui sait que chaque mot prononcé est un mot en trop. Manifestement, je n’arriverai pas à convaincre ni soulager cette maman qui faisait un effort énorme pour mettre de côté ses conceptions du vaccins pour respecter la demande de sa fille.
Je fermais donc mon caquet. Changement de sujet : l’école, le sommeil, l’appétit… La maman se détend, la fille répond par mono-syllabes. Je la vaccinais sans plus de commentaires. Je lui rappelais simplement de revenir six mois après pour la seconde (et j’insistais : dernière) injection et la laissais partir, finalement toute les deux satisfaites.
J’ai vraiment été impressionné par cette dame : je m’étais trompé en la pensant seulement “légèrement antivax” : elle semblait ressentir un profond dégoût quand je lui parlais du vaccins. Et pourtant, elle a placé le choix de sa fille de 13 ans avant le sien, et s’est donné beaucoup de mal pour se tenir en retrait et l’accompagner. Et c’est là une belle preuve de respect et d’amour parental.