Contexte, avis et ressenti

  Il y a quelques temps, nous sommes allez avec ma douce voir “Si seulement je pouvais hiberner” dans notre cinéma de quartier.
Sorti au festival de Canne de 2023, ce drame mongole ressemble à un film d’auteur. On y suit le point de vue d’Ulzi, un jeune homme forcé de grandir trop vite par la misère, et qui se bat pour saisir une chance d’en sortir grâce aux études. [^imdb]

[^imdb] Voir la page IMDB du film

Le film est touchant, poignant même ; et j’aime beaucoup le questionnement qu’il apporte sur la masculinité et la parentalité, car notre Ulzi est privé de modèle masculin et se cherche en tant qu’héritier des traditions du clan de son père, et comme protecteur de ses cadets.

La filmographie est superbe, les images de nature tranchant contre celle de pauvreté. Les jeux d’acteur nous forcent dans une compassion avec ces enfants et adultes si loin de nous, baignant dans une culture qui nous devrait nous échapper, mais dont nous reconnaissons les luttes et souffrances.

Malgré toutes ces qualités, c’est par sa bande son que ce film s’est démarqué à mes yeux oreilles.

  Cette OST est composée par Johanni Curtet, ethnomusicologue1 français de l’université de Rennes spécialisé en chants et musique mongole. Il s’agit donc d’un monsieur qui sait ce qu’il bricole en la matière.

Et en effet : le résultat est fascinant. Les chants gutturaux semblent complètement différent de ce à quoi mes oreilles sont habituée, et celles-ci s laissent bercer et entrainer par ce son posé et contemplatif. Les parties jouées au Morin Khuur2 (violon traditionnel mongol) sont étrangement familières en comparaison, et semblent même être du jazz moderne lors de certains passages de pizzicato3. Pourtant, les deux se superposent et se mêlent chaleureusement ; ce qui est bien logique car ils appartiennent ensembles à la même identité culturelle et musicale.

Pendant tout le film, ces musiques sous-tendent les moments d’émotion comme d’inquiétude, de lutte comme d’abandon. Leur timbre alien teinté de familiarité nous rappelle que nous ne sommes pas chez nous, tout en semblant nous souhaiter la bienvenue. Il y a aussi quelque chose de triste et nostalgique dans ces chants, même pour un auditeur qui ne les aurait jamais entendu auparavant, et cette nostalgie fait bien écho à la volonté d’Ulzi d’être le digne successeur de ses aïeux.

Une fois sortie du film, la musique garde cet aspect paisible mais touchant, étranger mais chaleureux, moderne mais nostalgique. Elle est si particulière, et pourtant se mêle si facilement à une collection d’œuvres plus classiques et familières à nos oreilles occidentales qu’on en vient presque à douter des milliers de kilomètres qui nous séparent de son berceau.

  Je l’écoute souvent, en travaillant, dans le métro, ou même simplement pour me détendre, et je crois qu’elle mérite à être mieux connue. Voilà pourquoi je la partage ici.


Écouter la bande son

Johanni Curtet · If Only I Could Hibernate (A film by Zoljargal Purevdash - Original Motion Picture Soundtrack)

  1. def. Ethnomusicologie: étude de pourquoi et comment les humains font de la musique. Si l’ anthropologie est l’étude du comportement humain, l’ethnomusicologie est l’étude de la musique que font les humains.
    source : greenlane.com ↩︎

  2. le Morin Khuur : Apprenez en plus sur l’archive de la page de l’Unesco

     ↩︎

  3. def. pizzicato : technique musicale ou le musicien pince les cordes de so instrument plutôt que de les frotter avec son archer.
    Démonstration sur Youtube ↩︎