Je suis parti faire mon externat de médecine en Roumanie. Après deux ans en France, j’ai eu la chance d’être accepté à la faculté de Cluj-Napoca, en transylvaine, et d’y passer six ans avant de revenir en France en tant qu’interne.
Il se passe beaucoup de choses, en six ans. J’avais envie de revenir en quelques articles sur ce que je garde de ces moments de ma vie.
Ce post ci est consacré à mon départ et à mon ressenti.

Lève-toi…

Je venais de m’inscrire dans une école d’ingénieur après deux échecs en PACES. Je n’ai eu qu’une semaine de réflexion entre le moment où j’ai appris l’existence de ce cursus à l’étranger et la date limite de dépôt des dossiers de candidature à l’inscription. Une amie de la famille nous expliqua que cette fac offrait une filière francophone, et qu’après six ans, le diplôme européen obtenu permettait le retour en France avec une stricte équivalence au diplôme français.

Je n’avais encore jamais entendu parler de Cluj-Napoca. L’image que je me faisais de la Roumanie était celle d’un pays du tier monde… C’était à 1800 km de là où j’habitais… Portant, cela faisait déjà 2 ans que j’étais parti de la demeure familiale. Passer de 400 à 1800 kilomètres ne me semblait pas si intimidant. Je ne rentrais déjà qu’une fois par mois, j’étais déjà loin de mes repères. Et la personne grâce à qui j’avais entendu parler de cet étrange plan de secours était une amie de la famille en qui nous avions toute confiance.

J’ai donc posé mon dossier, après une course administrative pour rassembler ses pièces, et une course physique dans les rues menant à la poste pour l’atteindre avant le denier départ de courrier garantissant son dépôt dans les temps. Quand j’ai appris avoir été accepté, je n’ai pas hésité.

… Prends ton lit…

J’ai pris cela comme un nouveau départ. Je bouillais d’impatience de partir. J’avais eu le temps de me renseigner un peu sur la ville et les études que j’allais suivre. Cluj était à ce moment-là en plein essor. J’apprendrai plus tard que les travaux de rénovation pour la mettre aux normes européennes commençaient à peine, l’aéroport Avram Iancu était le cobaye devant prouver que le pays était prêt à rentrer dans Shengen, et la ville serait à peine un an plus tard élue Capitale européenne de la Jeunesse.

Après avoir été inscrit, j’ai découvert que je connaissais déjà l’un de mes futurs collègues. Un garçon de ma fac en France partait lui aussi. Nous avions en plus tout les deux décidé de devenir les colocataires d’un troisième, dont la grande-sœur aussi venait de notre fac. Je ne partais plus complètement seul, finalement !

J’ai donc quitté l’école d’ingénieur avant même le premier cours. Je me suis séparé de ma petite-amie de l’époque en ressentant qu’une nouvelle distance après ces deux ans serait infernale. Je fis mon sac, et pris pour la première fois l’aéroport de Paris-Beauvais.

… et marche.

Les premières impressions : salle, bordélique, vétuste. L’aéroport est situé en périphérie de la ville, et en revenir nous fait passer au travers d’abord de maisons basses et bancales, construites de béton non peint, puis de blocs d’appartement communiste. Les façades gris-jaunâtres n’offraient aucun contraste avec les épaisses cordes de fils électriques reliant les poteaux plantés de façon anarchique au milieu des trottoirs défoncés par la pluie. Le tabac froid avait imprégné le tissus des sièges miteux du taxi plus miteux encore, conduit comme un bolide par un homme aussi gras que désinvolte parlant un langue dont je ne comprenais aucun mot.

Puis, après 10 minutes de route où je ne savais trop que penser, les boulevards s’élargirent et le béton laissa place à un peu de pierre. Un clocher, puis deux, perça au travers des toits. Les façades se colorèrent, et les minuscules boutiques alimentaires sombres s’effacèrent au profit de quelques restaurants. Les fenêtres rectangulaires et dures s’arrondirent et s’allongèrent. Nous rentrions dans le centre-ville qui nous offrait ce que j’appris plus tard être son architecture hongroise. Le taxi a finalement traversé le Someş pour nous conduire à mon premier appartement à l’étranger, au sommet d’un escalier de mosaïque agrémenté de plantes grimpantes, au milieu d’un quartier résidentiel calme et coquet.

Depuis, la ville a changé. En bien ! Les câbles électriques ont été enterrés, les trottoirs refaits, les façades repeintes. Les taxis ne fument d’ailleurs (presque) plus. Mais je suis reconnaissant d’avoir été témoin de ce clin d’œil du passé à mon arrivée.

Nous, étudiants français expatriés, avons rapidement programmé notre première rencontre, et je me suis vite joint au groupe que nous allions former pour les 6 ans à venir. J’ai eu le plaisir de faire parti de cette promotion où nous nous sommes (la plupart du temps) très bien entendus.

Journée de bizutage, en pyjamas dans les amphis
Journée de bizutage, en pyjamas dans les amphis

Partir là-bas a été une expérience fantastique. Je n’en regrette pas eu seconde, et je le referais sans hésiter. Je reviendrais visiter ce sujet avec d’autres articles, mais je voulais aujourd’hui partager ce que j’ai ressenti lors de ces premiers pas sur une terre étrangère.