Il y a bien longtemps, dans la boutique d’un artisan, j’ai vu un anagyre.
À l’époque, je ne savais pas ce que c’était, et j’ignorais que je n’en reverrai plus avant de nombreuses années. Il est resté gravé dans ma mémoire jusqu’à ce qu’un voyage en famille ne me ramène là où travaillait l’artisan qui les fabriquait, le rappelant à mon souvenir. Hélas, la boutique a changé et n’en propose plus.
Ces petits objets décoratifs sont fascinants. De forme allongée et ellipsoïde, le plus souvent en bois ou en pierre polie, on peut les faire tourner un peu comme une toupie sans rien remarquer d’anormal. Mais dans un sens seulement !
Un anagyre a un sens naturel et un sens contraire. Poussez-le dans ce second, et il se mettra à vibrer de plus en plus fort avant de s’arrêter, puis de repartir dans son sens naturel, paisiblement. Un comportement paradoxal, que la simplicité apparente de l’objet ne laisse pas deviner.
Éthymologiquement, ana-gyre vient du grec, et signifie “tourner en arrière” ou “tourner dans un seul sens”1. Son autre petit nom est “Pierre Celtique”, car on en a découverts dans certains tombeaux celtes datant de la préhistoire.
Cet entêtement quasi-magique est du à la forme et la répartition de la masse de l’objet qui engendre certains frottements lors du mouvement, rendant le sens de rotation stable dans un sens et instable dans l’autre. Par ailleurs, le nom de l’étude des frottements est tribologie, et je trouve ce mot tout à fait rigolo.2
🤔 J’apprends en préparant cet article qu’en fait, certains anagyres ont deux sens contraires, et passent donc leur temps à changer d’avis comme de direction. Mais curieusement, je trouve qu’ils perdent ainsi de leur mystère.
Fabriquer un anagyre par soi-même semble assez facile. Bien que les formules qui décrivent sa forme et son comportement soient complexes, l’objet lui même est assez simple, et le reproduire ne demande que peu d’outils. On trouve sur ce blog toutes les instruction nécessaires. On peut aussi en acheter de superbes, par exemples ouvragés par Brunon Minguet, artisan ébéniste.
Je vais certainement essayer d’en fabriquer un, et mettrai cet article à jour pour y rapporter mes succès (ou mes échecs).
À mes yeux, les anagyres sont à ranger dans la catégorie de ces objets qui ne servent à rien sinon fasciner les cœurs d’enfants, c’est à dire la catégorie des objets indispensables. On y retrouve également les Disques d’Euler, les Gömböc et autre culbutos. Si j’avais plus de place sur mes étagères, j’en ferais collection.
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L’anagyre Un objet curieux… (CNRS.fr, Images des Mathsématiques, 4 septembre 2009 - Ecrit par Lazrag, Lanouar, Tsygvintsev, Alexei ) ↩︎